Communiqué de presse
Un partenariat stellaire voué à la catastrophe
Découverte d'une paire d'étoiles sur le point de fusionner et de donner lieu à une supernova
9 février 2015
Des astronomes viennent d'identifier, au moyen d'équipements de l'ESO et de télescopes installés sur les Iles Canaries, deux étoiles étonnamment massives au cœur de la nébuleuse planétaire Henize 2-428. Parce qu'elles orbitent l'une autour de l'autre, les deux étoiles devraient progressivement se rapprocher l'une de l'autre au point de fusionner, d'ici quelque 700 millions d'années, puis donner lieu à une vaste explosion en supernova. Les résultats de cette étude paraîtront au sein de l'édition en ligne de la revue Nature le 9 février 2015.
L'équipe d'astronomes, dirigée par M. Santander-García (Observatoire Astronomique National, Alcalá de Henares, Espagne ; Institut des Sciences des Matériaux de Madrid (CSIC), Madrid, Espagne), a découvert une paire d'étoiles de type naine blanche – des restes d'étoiles très denses, de petites dimensions – voisines l'une de l'autre et dont la masse totale avoisine 1,8 masse solaire. Il s'agit de la paire d'étoiles la plus massive découverte à ce jour [1], dont la fusion prochaine se traduira par une explosion thermonucléaire non contrôlée et donnera lieu à une supernova de type Ia [2].
L'équipe à l'origine de cette découverte tentait de résoudre une énigme bien différente. Elle essayait de comprendre le processus de création, par des étoiles âgées, de nébuleuses aux formes si étranges et asymétriques. La nébuleuse planétaire [3] Henize 2-428 constituait l'un de leurs objets d'étude.
“Lorsque nous avons observé l'étoile centrale de cet objet au moyen du Très Grand Télescope de l'ESO, nous avons découvert non pas une, mais deux étoiles au cœur de ce nuage lumineux étrangement asymétrique », révèle l'un des co-auteurs de cette étude, Henri Boffin de l'ESO.
Cette découverte accrédite l'hypothèse selon laquelle l'existence d'un système central d'étoiles doubles serait à l'origine des formes étranges qu'arborent certaines de ces nébuleuses. Toutefois, un résultat bien plus intéressant encore était à venir.
“D'autres observations, effectuées au moyen de télescopes installés dans les Iles Canaries, nous ont permis de déterminer les orbites des deux étoiles, d'en déduire leurs masses respectives ainsi que la distance les séparant. Et là, grosse surprise !“ nous confie Romano Corradi, autre co-auteur de l'étude et chercheur à l'Institut d'Astrophysique des Canaries (Tenerife, IAC).
Il est apparu que chacune des deux étoiles est dotée d'une masse légèrement inférieure à celle du Soleil et que leur période orbitale avoisine les quatre heures. Elles sont si proches l'une de l'autre qu'en vertu de la théorie de la relativité générale d'Einstein, elles continueront de se rapprocher, spiralant sous l'effet de l'émission d'ondes gravitationnelles, puis fusionneront en une seule et même étoile d'ici 700 millions d'années.
L'étoile résultante sera si massive que rien ne pourra s'opposer à son effondrement gravitationnel ni, par la suite, à son explosion, sous la forme d'une supernova. “Jusqu'à présent, la formation d'une supernova de type Ia consécutive à la fusion de deux naines blanches constituait un scénario purement théorique”, explique David Jones, co-auteur de l'article et boursier de l'ESO à l'époque de l'obtention de ces données. “La paire d'étoiles située au cœur de Henize 2-428 constitue bel et bien une réalité !”
“Ce système est pour le moins énigmatique” conclut Santander. “Sa découverte aura des répercussions importantes sur l'étude des supernovae de type Ia, largement utilisées à des fins de mesure des distances astronomiques, et intimement liées à la découverte de l'accélération de l'expansion de l'Univers sous l'effet de l'énergie noire”.
Notes
[1] La limite de Chandrasekar constitue la masse limite supérieure d'une naine blanche, au-delà de laquelle elle s'effondre sous son propre poids. Sa valeur est voisine d'1,4 masse solaire.
[2] Une supernova de type Ia se produit lorsqu'une naine blanche acquiert de la matière supplémentaire – suite à l'accrétion d'un compagnon stellaire ou à la fusion avec une autre naine blanche. Lorsque sa masse dépasse la limite de Chandrasekar, l'étoile commence à se contracter. Sa température augmente et des réactions nucléaires en chaîne se produisent, conduisant à l'explosion de l'étoile, à sa fragmentation en de multiples morceaux.
[3] Les nébuleuses planétaires n'ont rien à voir avec les planètes. Leur appellation tire son origine du XVIIIème siècle, époque à laquelle l'observation de certains de ces objets au travers de petits télescopes révéla leur forme arrondie, semblable à celle des disques de planètes lointaines.
Plus d'informations
Cette étude a fait l'objet d'un article intitulé “The double-degenerate, super-Chandrasekhar nucleus of the planetary nebula Henize 2-428” par M. Santander-García et al., à paraître dans l'édition en ligne de la revue Nature le 9 février 2015.
L'équipe est composée de M. Santander-García (Observatoire Astronomique National, Alcalá de Henares, Espagne; Institut des Sciences des Matériaux de Madrid (CSIC), Madrid, Espagne), P. Rodríguez-Gil (Institut d'Astrophysique des Canaries, La Laguna, Tenerife, Espagne [IAC]; Université de La Laguna, Tenerife, Espagne), R. L. M. Corradi (IAC; Université de La Laguna), D. Jones (IAC; Université de La Laguna), B. Miszalski (Observatoire Astronomique d'Afrique du Sud, Observatoire, Afrique du Sud [SAAO]), H. M. J. Boffin (ESO, Santiago, Chili), M. M. Rubio-Díez (Centre d'Astrobiologíe, CSIC-INTA, Torrejón de Ardoz, Espagne) et M. M. Kotze (SAAO).
L'ESO est la première organisation intergouvernementale pour l'astronomie en Europe et l'observatoire astronomique le plus productif au monde. L'ESO est soutenu par 16 pays : l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, le Brésil, le Danemark, l'Espagne, la Finlande, la France, l'Italie, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la République Tchèque, le Royaume-Uni, la Suède et la Suisse. L'ESO conduit d'ambitieux programmes pour la conception, la construction et la gestion de puissants équipements pour l'astronomie au sol qui permettent aux astronomes de faire d'importantes découvertes scientifiques. L'ESO joue également un rôle de leader dans la promotion et l'organisation de la coopération dans le domaine de la recherche en astronomie. L'ESO gère trois sites d'observation uniques, de classe internationale, au Chili : La Silla, Paranal et Chajnantor. À Paranal, l'ESO exploite le VLT « Very Large Telescope », l'observatoire astronomique observant dans le visible le plus avancé au monde et deux télescopes dédiés aux grands sondages. VISTA fonctionne dans l'infrarouge. C'est le plus grand télescope pour les grands sondages. Et, le VLT Survey Telescope (VST) est le plus grand télescope conçu exclusivement pour sonder le ciel dans la lumière visible. L'ESO est l’un des partenaires majeurs d’ALMA, le plus grand projet astronomique en service. Et, sur le Cerro Armazones, à proximité de Paranal, l’ESO est en train de construire le télescope géant européen de 39 mètres, l’E-ELT, qui sera « l'œil le plus grand au monde tourné vers le ciel ».
Liens
Contacts
Miguel Santander-García
Observatorio Astronómico Nacional
Alcalá de Henares, Spain
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Courriel: m.santander@oan.es
Henri Boffin
ESO
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A propos du communiqué de presse
Communiqué de presse N°: | eso1505fr |
Nom: | Hen 2-428 |
Type: | Milky Way : Star : Evolutionary Stage : Supernova Milky Way : Nebula : Type : Planetary |
Facility: | Gran Telescopio CANARIAS, Isaac Newton Telescope, Mercator Telescope, Very Large Telescope |
Instruments: | FORS2 |
Science data: | 2015Natur.519...63S |